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Shein : entre critiques et innovations, le modèle qui bouscule la mode

Adulée par la génération Z, redoutée par l’industrie textile, Shein s’impose comme le symbole d’une nouvelle ère dans la mode. Derrière son modèle économique à la frontière de l’intelligence artificielle et de la logistique ultrarapide, un débat fait rage : Shein est-il le mauvais élève du secteur de la mode ou incarne-t-il une rupture industrielle plus agile et plus vertueuse que ses détracteurs ne l’admettent.

Une success story algorithmique

Fondée en 2008, Shein a connu une croissance fulgurante en une décennie, jusqu’à revendiquer en 2023 plus de 150 millions de clients dans 150 pays. Le groupe, dont le chiffre d’affaires estimé dépasserait les 30 milliards de dollars, ambitionne désormais une entrée en Bourse à Londres.

Shein ne ressemble à aucune autre entreprise textile : sans magasin physique, sans designer star, ni plan de collections saisonnières, elle mise tout sur un algorithme qui détecte les tendances sur les réseaux sociaux et alimente en continu un catalogue de plus de 600 000 références, renouvelé à raison de 6 000 nouveautés par jour. Chaque vêtement est d’abord testé en mini-série de 100 à 300 exemplaires. Les pièces qui séduisent sont alors produites en plus grandes quantités, les autres sont arrêtées.

Une production à la demande plus efficace que le modèle classique ?

C’est ici que réside la principale rupture introduite par Shein : la production à la demande, rendue possible par une architecture industrielle fragmentée et extrêmement réactive. En limitant le gaspillage lié aux invendus — estimé à 10 % seulement chez Shein contre plus de 30 % dans le prêt-à-porter classique — le groupe prétend offrir un modèle plus durable que celui des mastodontes de la fast fashion comme Zara ou H&M.

En comparaison, les grandes marques planifient leurs collections six mois à l’avance, produisent en masse, et finissent souvent par solder, voire détruire leurs stocks. Shein inverse ce paradigme : « Nous ne fabriquons que ce que les clients veulent porter », résume un porte-parole du groupe dans les colonnes du Figaro.

Des critiques environnementales persistantes

Mais cette efficacité industrielle a un revers. En 2023, plusieurs ONG environnementales ont accusé Shein d’être l’un des principaux émetteurs de CO₂ du secteur, notamment en raison du transport aérien de ses commandes internationales. Le paradoxe : même si elle produit moins de déchets, la multiplication des commandes individuelles à bas prix favorise un modèle de consommation rapide et peu durable.

Shein s’en défend, mettant en avant l’usage croissant de polyester recyclé, la digitalisation des prototypes pour limiter les matières perdues, et son programme « Shein Exchange » qui encourage la revente d’articles entre particuliers. « La vraie question n’est pas de savoir si Shein pollue, mais si elle pollue plus ou moins que ses concurrents », analyse une consultante spécialisée dans la chaîne d’approvisionnement textile.

Conditions de travail : la zone d’ombre

Le sujet social reste, lui aussi, très sensible. Plusieurs enquêtes, notamment de Public Eye ou Channel 4, ont dénoncé des pratiques non conformes dans les ateliers sous-traitants de Shein, allant d’horaires excessifs à des salaires en dessous des seuils légaux chinois. Le groupe s’est engagé à auditer l’ensemble de ses fournisseurs et à publier des rapports de transparence.

Selon Shein, plus de 600 fournisseurs ont été contrôlés en 2023 dans le cadre de son programme SGE (Supplier Growth Ecosystem). En France, le groupe met en avant ses efforts RSE (responsabilité sociétale des entreprises), et tente d’installer un dialogue institutionnel, notamment dans le cadre de la directive européenne sur le devoir de vigilance. Dans le même temps, Shein accélère sur la localisation de sa logistique : un entrepôt a été ouvert en Pologne, un autre est prévu en Italie, pour réduire les délais de livraison et les émissions liées au transport.

Au-delà du bouc émissaire

Shein concentre les crispations liées à la mondialisation numérique : production décentralisée, optimisation algorithmique, contournement partiel des règles nationales. Pour ses détracteurs, elle est l’emblème d’un capitalisme sans limites. Pour ses défenseurs, elle est une entreprise agile, réactive, capable de bouleverser les standards sans avoir besoin de copier les recettes du passé.

La vérité se situe sans doute entre les deux. Oui, Shein doit progresser sur la transparence, les conditions sociales et la soutenabilité. Mais son modèle, s’il est mieux encadré, pourrait aussi inspirer une industrie textile plus sobre, plus proche des besoins réels, et moins gaspilleuse.

Clement

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